Alors que la Communion mondiale d’Églises réformées (CMER) s’est réunie à Hanovre en décembre pour commémorer le 20e anniversaire de la Confession d’Accra, Allan Aubrey Boesak, une voix importante de la tradition réformée, réfléchit à son impact durable. La Confession d’Accra, adoptée en 2004 à Accra, au Ghana, a marqué un tournant dans l’histoire de la CMER, signalant l’engagement de l’Eglise en faveur d’une foi prophétique et de la justice sociale. Cependant, Boesak s’interroge sur le chemin parcouru par l’Église depuis ce moment décisif et se demande si elle est passée d’un monde « scandaleux » à un monde plus porteur d’espoir.
Pour Boesak, la confession d’Accra ne peut être comprise sans une réflexion sur son lien profond avec le passé. Il souligne l’expérience profonde vécue au château d’Elmina, lieu d’un immense traumatisme historique lié à la traite transatlantique des esclaves. Boesak écrit : « À Accra, au Ghana, bouleversés par les souvenirs dévastateurs enfermés dans le château d’Elmina, humiliés et secoués par la présence inéluctable des esprits de nos ancêtres trahis, asservis et massacrés qui hantent encore ce lieu abandonné des dieux, nous sommes passés d’une prise de conscience dégrisée à une confession pleine de remords, puis à une audace prophétique ». La confession n’est donc pas seulement un repère géographique, mais un réveil spirituel pour l’Église, qui l’oblige à faire face aux injustices historiques et actuelles.
Cette réflexion sur Elmina devient une lentille à travers laquelle l’Église interprète les Écritures et les signes des temps. Boesak affirme que le monde, tout comme l’intérieur du château d’Elmina, est rempli d’exploitation, de cupidité et de violence. Il écrit : « À l’extérieur d’Elmina, nous avons pénétré dans un monde de mort sociale, d’exploitation économique, envahi par la cupidité impérialiste et l’esprit d’acquisition, gouverné par les hérésies du consumérisme capitaliste. Nous avons déclaré ce monde scandaleux ». Pour Boesak, le monde actuel est loin d’être libéré de son passé. « Vingt ans plus tard, le monde a changé, de manière choquante et apparemment irrévocable », affirme-t-il, alors que les puissances mondiales continuent de perpétuer des systèmes de domination et de destruction.
La question de la Palestine, et en particulier le génocide à Gaza, est devenue centrale dans la réflexion de Boesak sur l’état actuel du monde. S’appuyant sur sa connaissance approfondie de l’histoire africaine, il établit un lien entre les souffrances des Palestiniens et les génocides du passé. « Le premier génocide de l’histoire moderne a été celui des Khoi et des San en Afrique du Sud, perpétré par les Néerlandais puis par les Britanniques au XVIIe et au début du XVIIIe siècle », explique-t-il. Il établit un lien avec les atrocités commises en Palestine et au Liban, qu’il considère comme faisant partie d’une lutte plus vaste et interconnectée pour la justice. Il pose la question suivante : « Notre souci d’unité interne, de sécurité financière et d’harmonie œcuménique justifie-t-il notre incapacité à condamner plus vigoureusement le génocide à Gaza et dans l’ensemble de la Palestine et à agir contre ce phénomène ? Cette question remet en question le rôle de l’Église dans la défense de la justice et dans la lutte contre la complicité de ceux qui restent silencieux face à la violence.
L’appel de la Confession d’Accra à la solidarité avec les opprimés est un élément que Boesak considère comme fondamental dans la tradition réformée. Il écrit : « Accra réaffirme, avec Belhar, que ce Dieu est “d’une manière spéciale, le Dieu des démunis, des pauvres, des exploités, des lésés et des abusés” ». Pour Boesak, la Confession d’Accra, comme la Confession de Belhar avant elle, met l’accent sur la justice et l’amour radicaux de Dieu. « Dieu nous appelle à nous tenir aux côtés de ceux qui sont victimes d’injustice… contre toute forme d’injustice », poursuit-il, faisant écho à l’appel lancé à l’Église pour qu’elle agisse sans excuses ni hésitations.
L’engagement d’Accra dans les systèmes économiques qui perpétuent l’injustice mondiale est également crucial. Boesak critique le système capitaliste néolibéral dominant qui, selon lui, exacerbe les inégalités et l’exploitation. À Accra, le monde n’est pas seulement un monde déchu ; c’est un « monde scandaleux », sous l’emprise de puissances impériales impitoyables et impies », déclare-t-il. La confession d’Accra désigne le néolibéralisme et l’impérialisme comme des forces qui contribuent à la souffrance de la création de Dieu. Il souligne que ces systèmes d’oppression sont menés par des nations puissantes qui protègent leurs propres intérêts aux dépens des marginalisés.
Pourtant, même si Boesak est confronté à la noirceur du monde, il insiste sur le fait qu’il y a encore de l’espoir. Il s’inspire des paroles de Dietrich Bonhoeffer : « Il est certain que nous pouvons vivre toujours près de Dieu et de la lumière de sa présence ; que rien ne nous est alors impossible, car tout est possible à Dieu ». Pour Boesak, cette espérance prophétique n’est pas naïve mais enracinée dans la conviction que, malgré les crises accablantes du monde, le pouvoir transformateur de Dieu peut conduire l’Église vers un avenir plus prometteur. Il conclut : « Avec le génocide qui se déroule dans des nuances indescriptibles d’horreur absolue, la souffrance sans fin des enfants de Dieu partout dans le monde et les incertitudes terrifiantes à propos de tout, mais avec la foi et le sumud des Palestiniens dans nos cœurs … puis-je vous rappeler les mots de Dietrich Bonhoeffer, ce martyr de la foi chrétienne, qui nous parle dans la puissance de sa fidélité dans le moment Kairos de son époque ».
La réflexion de Boesak sur la Confession d’Accra exhorte l’Eglise à dépasser les déclarations de foi passives pour s’engager activement dans la lutte contre les injustices du monde. L’appel est clair : l’Eglise doit affronter les puissances qui perpétuent le mal, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses murs. En cette période d’agitation mondiale, Boesak demande à l’Église de rester fidèle à sa mission prophétique et d’agir pour la justice, la vérité et l’amour, afin que l’espoir d’un monde meilleur puisse un jour se réaliser. Traduction assurée par DeepL